07/02/2015
6-13 février - Festival Cinéma Sans Frontières au Mercury
Du 6 au 13 février 2015 se tiendra au cinéma Mercury (16 place Garibaldi – Nice), le 13ème Festival annuel de l'association Cinéma Sans Frontières sur le thème : Le cinéma sens dessus dessous, quad le cinéma joue avec ses codes. Polar, western, fantastique, documentaire, découvrez la programmation complète en cliquant sur l'affiche :
Genres, Travestissements, Transgressions
L’idée de ce festival est née d’une constatation récurrente et somme toute très simple : le cinéma n’est jamais aussi bon que lorsqu’il dépasse les codes et les genres qu’il s’est lui-même fixés. D’ailleurs, on pourrait voir toute la programmation de CSF comme un long ruban de films hors normes ou transgenres.
Dès sa naissance, le cinéma s’est défini par deux genres majeurs qui perdurent aujourd’hui : D’une part, les films des frères Lumière qui enregistrent le réel ; La sortie d’usine ou L’arrivée du train en gare de La Ciota. C’est la veine documentaire du cinéma. La réaction du public voyant pour la première fois ce train sortir à toute allure du tunnel et foncer droit sur eux est la marque première, indélébile et signifiante de la rencontre entre l’image en mouvement et l’œil humain, de l’identification immédiate du spectateur à ce qu’il regarde…
L’autre grand genre du cinéma, c’est celui des films fantastiques de Méliès, les films qui, au contraire, ne racontent pas le réel, ou qui ne le racontent pas nécessairement tel qu’il est. C’est l’immense domaine de la fiction, sous toutes ses coutures.
Mais très vite, le cinéma va dépasser les grandes catégories héritées du théâtre et décliner des variantes qui lui sont propres et qui iront en se diversifiant au fil de son histoire.
L’idée du festival n’est évidemment pas de dresser un panorama complet de tous ces genres et sous-genres, mais de faire ressortir la puissance d’invention et de créativité qui surgit chez les grands cinéastes – et parfois chez les moins grands – dès lors qu’ils s’approprient les codes caractéristiques de chacun de ces genres.
La notion même de codification comporte en soi le risque du formatage et de l’étiolement, Ça donne le film prévisible, les scénarios balisés, le montage atone, la bande-son qui fait office de surligneur, les dialogues plats, le jeu d’acteurs standardisé, etc... Des kilomètres de pellicule hier, des millions de Giga aujourd’hui, sont consacrés à cette cause du plat réchauffé, de la charentaise et du parcours fléché où le spectateur est censé se sentir chez lui. Comme si c’était ce qu’on demandait au cinéma ! Bien au contraire, le bon film, le vrai, celui qui nous reste, est celui qui arrive à nous surprendre avec ce que pourtant nous connaissons déjà. En effet, le cinéma, même s’il n’a guère plus de 100 ans d’existence, s’est emparé instantanément, et peut-être plus profondément que toutes les autres formes d’art, de notre imaginaire, il le peuple, il le colonise même avec une facilité déconcertante. À ce propos la manière dont le cinéma est advenu au monde est en soi significative.
Attraction foraine à ses débuts, divertissement immédiatement accessible, le cinéma commence par gagner ceux qu’on appellerait aujourd’hui les 99 %. De fait, il n’obtiendra que bien plus tard ses lettres de noblesse. C’est sans doute ce qui explique que nous soyons si nombreux à avoir intériorisé, sans même y prêter jamais vraiment attention, tous ces personnages-clefs, qui sont autant d’archétypes, du film noir ou du western, du film d’aventures ou du film-catastrophe, de la comédie musicale ou du polar...
Gangster au grand cœur ou brute épaisse, flic véreux ou détective irréprochable, femme fatale ou tendre ingénue, pistolero romantique ou marginal meurtri, jeune garce sans scrupule ou vielle dame complètement frappadingue, nous portons en nous toute une « comédie humaine » qui nous vient du cinéma, une galerie de portraits qui se constitue par résonance avec ce je-ne-sais-quoi de profondément intime auquel s’adresse le cinéma.
C’est précisément parce que nous avons absorbé si intimement tous ces personnages, toutes ces péripéties, tous ces passages obligés que nous détectons immédiatement ce qui s’en écarte pour nous entraîner ailleurs. Il suffit parfois d’un pas de côté pour nous désorienter, piquer notre curiosité, laver notre regard de tout ce qu’il connaît et le renouveler… Nous sommes les premiers surpris par cette opération de passe-passe et une bonne partie de notre ravissement vient de ce décalage, de ce va- et- vient constant entre ce à quoi nous nous attendions et ce qui nous est servi en échange. À condition bien sûr de ne pas se faire avoir au change, car sinon la frustration s’avère vite totalement insupportable ! Tout le travail sur le genre s’effectue dans cet entre-deux. De la dérision à l’ironie, du détournement au renversement, le tragique se change en burlesque, le sublime en trivial, le terrible en drolatique et vice versa. Toutes les combinaisons sont possibles et n’en finiront jamais d’être explorées.
Dans notre modeste sélection, nous avons, nous aussi, voulu vous surprendre par des associations improbables, des rencontres inédites, des télescopages dépaysants, car qui a jamais vu un shérif qui carbure à la limonade, un simple pneu qui se prend pour un serial killer, ou encore un faussaire qui dit la vérité ?... Mais au fond, pourquoi pas ? Au nom de quoi cela serait-il impossible ? Le réalisme, la vraisemblance, l’usage, la convention ? Foin de tout cela, il suffit que le réalisateur soit suffisamment convaincant pour vaincre nos éventuelles résistances et nous entraîner dans son monde qui est, alors, forcément, aussi un peu/ beaucoup/ passionnément/ à la folie le nôtre. À ce moment-là, par cette alchimie qui lui est propre, le cinéma nous découvre à nous-même et il ne tient plus qu’à nous de plonger non seulement dans l’inattendu du cinéma, dans l’inespéré du réel, mais dans notre propre inconnu.
C’est là, à n’en pas douter, la grande affaire du cinéma d’être à la fois la représentation mimétique du réel – au-delà de tous les autres arts – et probablement de ce fait, le miroir d’un ailleurs insoupçonné.
Josiane Scoleri
Dans ce cadre, Regard Indépendant s'associe à l'évènement en présentant le très original western Tchécoslovaque Joe Limonade (Limonádový Joe aneb Koňská opera) réalisé par Oldřich Lipský en 1964 et sorti en France l'année suivante. L'occasion pour le président de Regard Indépendant de revenir sur ce genre majeur du cinéma.
10:04 Publié dans Festival | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinéma sans frontières, cinéma mercury | | del.icio.us | Facebook
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